Meurtre du quai de la graille :
et si la femme battue s’était vengée ?
Meurtre de Mebrouk Laouar, quai de la Graille : un crime typiquement féminin ?
Les circonstances restent floues, la suspecte a été acquittée mais le meurtre du quai de la graille reste dans l’esprit des journalistes locaux un exemple de « crime féminin » marquant. Un meurtre découvert le samedi 19 août 2006. Celui d’un homme âgé d’une soixantaine d’années, retrouvé dans sa voiture vers 18h30, sur le quai de la Graille à Grenoble : Mebrouak Laouar. Allongé sur le siège passager dans sa Peugeot 405, recouvert d’une couverture sur laquelle des tâches de sang sont visibles, des policiers municipaux en patrouille ont tenté de réveiller la victime. Elle est pourtant décédée depuis un jour ou deux. Sous la couverture plusieurs plaies sanglantes causées par une arme blanche. Une plaie profonde a transpercé le sternum. Mebrouk Laouar n’est alors pas inconnu des services de police. Homme violent, il battait sa femme Teldja depuis longtemps.
Teldja, elle aussi immigrée, ne parlant ni n’écrivant le français, était logée au Centre d’accueil de la rue Durand-Savoyat. Ses enfants lui ont été retirés à cause des crises de violence qui affectaient le couple. Plus encore, une décision judiciaire ordonnait l’éloignement de son deuxième mari. Elle continue pourtant à le voir, à lui apporter de la nourriture. Deux raisons pour laquelle Teldja est rapidement suspectée du meurtre de Mebrouk. « Cette histoire, c’est la misère. C’est ce dont je me souviens en premier pour un crime féminin, bien plus que les grosses histoires qui défraient les journaux. Des histoires de femmes dans la misère », explique Vanessa Laime, la journaliste qui a couvert l’affaire pour le Dauphiné Libéré.
Procès et psycho
Teldja a effectué deux années de détention provisoire à la maison d’arrêt de Montluc à Lyon. Son procès s’ouvre en mars 2009. Les indices à charge sont portés devant la Cour. D’abord, l’histoire du couple. Ensuite, des traces de sang retrouvées sur les vêtements de la suspecte et dans sa chambre. Puis, la personnalité de Teldja est passée au crible des experts : fragile, « chaotique », atteinte d’une « psychose délirante » qui alterne son discernement. Le jeudi précédent la découverte du corps de son époux, elle avait tenté de se suicider, avant d’être internée momentanément à l’unité psychiatrique de Saint-Egrève. Le procès a pris une tournure inattendue. « On n’a pas pu déterminer si elle était coupable, même s’il y avait beaucoup d’éléments à charge », rappelle Claire Sirand du Dauphiné Libéré. L’arme du crime n’a, par exemple, jamais été retrouvée malgré un ratissage systématique des berges de l’Isère et une fouille dans la chambre de la suspecte.
« Ce n’est pas moi qui l’ai tué », a maintenu Teldja en s’adressant au Président de la Cour d’assises aidée de son interprète. Les jurés l’ont cru. « Elle a été acquittée à la stupéfaction générale », s’exclame Claire Sirand. Le parquet a fait appel. Teldja est pourtant libre, au sens propre comme au figuré, sans son mari violent.